Les grands mouvements migratoires en Suisse avant 1994

Jusqu'au milieu du 19e siècle, la Suisse se caractérise encore par une forte émigration. Cette tendance s'inverse vers la fin du siècle et la Suisse devient un pays d'immigration.

Après la Seconde Guerre mondiale, à une époque de crise économique et de pénurie globale de main-d'œuvre, les taux d'immigration vers la Suisse ont été les plus élevés. Différents déclencheurs ont fait qu'entre 1951 et 1970, environ 2,68 millions d'étrangers(ères) sont venus en Suisse.

A partir de 1945, des mesures politiques ont été prises à Berne pour rendre les conditions de séjour plus attrayantes pour les travailleurs(euses) immigré(e)s, en particulier les travailleurs(euses) saisonnier(e)s. En effet, à cette époque, la Suisse manquait fortement de main-d'œuvre dans les secteurs primaire et secondaire (agriculture, viticulture, construction de routes, de ponts et de bâtiments). L'idée était de combler ce manque en faisant appel à des personnes formées à l'étranger et de soulager les employeurs qui dépendaient de cette main-d'œuvre. Cette idée a suscité un intérêt particulier chez les pays voisins et dans d'autres pays européens (en particulier chez les travailleurs(euses) d'Italie, d'Espagne, du Portugal et, depuis les années 1980, de l'ex-Yougoslavie). Leur immigration est devenue l'un des principaux facteurs de la croissance économique de la Suisse dans la deuxième moitié du 20ème siècle.

Outre la migration de travail, certains événements clés du 20e siècle (guerres et régimes autoritaires) ont entraîné des mouvements migratoires dans le monde entier. Afin d'offrir une protection internationale aux personnes concernées, la Suisse a adapté sa politique migratoire et a notamment introduit des instruments tels que les "passeports spéciaux" pour certains groupes de population. Cette pratique informelle et irrégulière a commencé dans les années 1950 en réaction à la répression de l'insurrection hongroise et s'est poursuivie jusqu'au début des années 2000.

En ce qui concerne le nombre et la croissance de la population résidente permanente en Suisse, on constate de grandes différences entre les Suisses et les personnes étrangères qui se sont installées dans le pays. Alors que la population résidente avec un passeport suisse est restée plus ou moins stable depuis 1994, elle est actuellement en légère baisse. Le nombre de la population étrangère en Suisse est marqué par de grandes fluctuations et augmente à nouveau plus fortement depuis 2018.

Accroissment de la population residente permanete

Figure : Accroissement de la population résidente permanente par nationalité
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/effectif-evolution.assetdetail.26905442.html

En plus de la baisse de la part de la population suisse, en 2020, les sorties du marché du travail ont été pour la première fois plus nombreuses que les entrées, ce qui représente un défi. Selon les prévisions de référence de l'Office fédéral de la statistique, ce problème s'aggravera fortement au cours des 25 à 30 prochaines années.

Nombre d'entrées et de sorties sur le marché du travail

Figure : Nombre de personnes âgées de 20 et 65 ans en Suisse (projections selon le scénario de référence de l'OFS).
https://www.swissinfo.ch/fre/economie/la-p%C3%A9nurie-de-main-d-%C5%93uvre-refl%C3%A8te-les-grands-d%C3%A9fis-d%C3%A9mographiques-%C3%A0-venir/48235962

Le manque de main-d'œuvre sur le marché du travail se reflète dans l'indice de pénurie de main-d'œuvre qualifiée. L'indice de pénurie de main-d'œuvre qualifiée en Suisse du groupe Adecco Suisse et du Moniteur du Marché de l'Emploi de l'Université de Zurich montre dans quelles professions la pénurie de main-d'œuvre qualifiée est la plus importante et dans quelles professions l'offre de main-d'œuvre qualifiée est la plus excédentaire. Pour ce faire, il analyse les groupes de professions dans lesquels le nombre de postes vacants est particulièrement important ou particulièrement faible par rapport au nombre de demandeurs d'emploi. C'est dans le secteur de la santé qu'il manque le plus de main-d'œuvre, suivi par les domaines de l'informatique, des logiciels et de l'ingénierie.

Top 5 des professions en pénurie de main-d'œuvre qualifiée en 2023

1

Spécialistes des professions de santé

2

Développeurs (euses) et analystes de logiciels et d’applications informatiques

3

Ingénieur(e)s et professionnel(le)s équivalents

4

Chef(fe)s de chantier, contremaîtres et directeurs(trices) de production

5

Polymécanicien(ne)s, mécanicien(ne)s de production, mécaniciens(nes) de machines et serruriers(nes)

Figure : Top 5 des professions en pénurie de main-d'œuvre qualifiée en 2023
https://www.adeccogroup.com/fr-ch/lavenir-du-travail/swiss-skills-shortage/swiss-skills-shortage-2023/

 

La migration et l'asile sont des sujets qui polarisent fortement l'opinion, aussi en Suisse, et font souvent l'objet de débats et d'initiatives populaires. Cela s'explique vraisemblablement par l'augmentation de la population étrangère mais aussi par le fait que ces thèmes sont de plus en plus débattus dans le domaine public . Depuis les années 1990, de plus en plus d'initiatives populaires visent à limiter l'immigration, à désavantager les étrangers ou à faciliter leur expulsion. D’autres acteurs défendent une politique favorable aux migrant(e)s et considèrent la migration comme une chance pour la Suisse. Des ONG défendent les droits de l'homme des migrant(e)s et  luttent pour une pratique humaine de l'asile et organisent des manifestations sur les thèmes de la migration et de la fuite afin d'informer et de sensibiliser la population suisse.

La création du poste de «délégué(e) aux réfugiés» (DFW) en 1985 a permis de séparer pour la première fois le domaine de l'asile de celui de la police et de le reconnaître comme une thématique importante de politique intérieure. Bien que le DFW ne devait être que temporaire, il a été transformé en «Office fédéral des réfugiés» dans les années 1990 en raison de la forte augmentation des demandes d'asile et de la prise de conscience par la Confédération que les questions d'asile et de réfugié(e)s devenaient des tâches permanentes. En 2005, une évolution profonde a eu lieu dans le domaine de l'asile et des étrangers. L'Office fédéral des réfugiés et l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration IMES sont devenus ensemble l'Office fédéral des migrations. La fusion des deux offices fédéraux devait donner naissance à une politique migratoire suisse coordonnée, comprenant des aspects de l'asile, du domaine des étrangers, du marché du travail, de l'intégration et de la politique étrangère. En 2015, l'Office fédéral des migrations a été rebaptisé Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM).

(Source: Stephan Parak Asylpraxis der Schweiz von 1979 bis 2019, Kapitel 1)

Dans la stratégie de coopération internationale (CI) 2021-2024 du DFAE, la réduction des causes de l‘exil et de la migration irrégulière a été définie pour la première fois comme l'un des quatre objectifs. Dans la stratégie CI 2017-2020, la migration était déjà l'un des six programmes globaux et revêtait donc également une grande importance dans cette stratégie. En outre, le Conseil fédéral a établi un lien stratégique entre la stratégie CI et la politique migratoire afin de tenir compte de l'importance de la migration dans l'aide au développement.

Les accords et partenariats migratoires avec les pays de transit et d'origine sont des instruments importants pour la gestion des mouvements migratoires. Ces accords sont basés sur une approche partenariale qui prend en compte les intérêts de toutes les parties concernées. La Suisse a développé différents types d'instruments qui lui permettent de poursuivre ses intérêts dans le domaine de la migration tout en coopérant avec d'autres États à différents niveaux.

Depuis la ratification de la Convention de Genève sur les réfugiés en 1955, la Suisse a accueilli quelques groupes de réfugié(e)s provenant de régions en conflit. Lorsque, dans les années 1990, de nombreux réfugié(e)s d'ex-Yougoslavie sont arrivé(e)s en Suisse, cette pratique a été temporairement suspendue. Avec la guerre en Syrie, le Conseil fédéral a décidé en 2013 de relancer le programme de réinstallation, dans un premier temps sous la forme d'un projet pilote. Ce programme vise à accueillir et à intégrer des réfugié(e)s particulièrement vulnérables en Suisse. Les personnes sélectionnées se voient accorder l'asile et leur intégration en Suisse est encouragée. L'OIM joue un rôle central dans la préparation et la mise en œuvre des mouvements de relocalisation.

L'invasion russe de l'Ukraine le 24 février 2022 a forcé des millions de citoyen(ne)s ukrainien(ne)s à quitter leur pays. On estime à 6 millions le nombre de réfugié(e)s ukrainien(ne)s enregistré(e)s en Europe. Environ 90 000 d'entre eux(elles) ont obtenu une protection en Suisse (situation en janvier 2024). En mars 2022, le Conseil fédéral a activé pour la première fois le statut de protection S. Avec ce statut de protection, les réfugié(e)s obtiennent rapidement un droit de séjour sans devoir passer par une procédure d'asile ordinaire. Comme l'admission provisoire (permis F), le statut de protection S est axé sur le retour et est accordé pour une durée limitée d'un an, mais il est renouvelable. Contrairement au permis F, les personnes bénéficiant du statut S peuvent se rendre à l'étranger sans autorisation de voyage, exercer une activité professionnelle et faire venir leur famille sans délai d'attente.

De nombreux Ukrainien(ne)s ont déposé des demandes de protection en Suisse, en particulier au cours des premiers mois qui ont suivi le début de la guerre. La moyenne mensuelle des demandes de protection a toutefois fortement baissé durant l'été 2022 et est restée constante en 2023.

Nombre moyen de demandes de protection en provenance d'Ukraine par mois

Figure : Moyenne des demandes de protection en provenance d'Ukraine par mois.
https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/asyl/ukraine/statistiken.html